funkydudulle a écrit :Dautre part, je pense que ce ne sont pas que les inégalités qui ont mené au surendettement des ménages américains. C'est aussi l'irresponsabilité des banquiers et, disons le franchement, des ménages eux mêmes.
Il existe quand même un rapport, que je vais essayer d’expliquer simplement, sans chercher à donner des leçons.
Derrière les analyse alambiquées des économistes à grand renfort de chiffres, d’études statistiques et de modèles mathématiques, il existe quelques principes simples qui permettent à tout un chacun de réfléchir un peu à ce qui se passe.
De tout temps et quelque soit l’obédience, une des représentation les plus adéquates pour décrire l’activité économique est l’image du circuit, avec l’idée d’une boucle à boucler : la production doit rencontrer une demande, les revenus doivent être dépensés directement (en bien de consommation ou en services consommables) ou indirectement (en bien d’investissement ou services producteurs) c’est-à-dire être totalement réinjectés dans le circuit économique pour que les choses aillent bien.
Toute les politiques de l’offre qui sous-tendent l’idéologie libérale reposent dans cette optique sur ce qu’on appelle la loi de Say (du nom d’un économiste français du 18e) qu’on résume un peu schématiquement sous les termes « l’offre crée sa propre demande ». Ca veut dire qu’en gros l’offre génère des revenus (salaires et profits) équivalents à la valeur de la production, et donc permettant à cette dernière de rencontrer une demande, d’être écoulée. La boucle serait donc en théorie automatiquement bouclée dans un système sans « rigidités » (cad avec le moins d’entraves possibles à la concurrence).
Dans la pratique, deux problèmes se posent qui remettent en cause ce principe :
d’abord le décalage temporel entre la production et la vente, qui fait que tout les revenus ne sont pas en fait distribués au moment de produire (les profits n’existent que si le produit trouve preneur), c’est le problème de l’incertitude ;
ensuite le fait que le détenteurs de revenus peuvent en conserver une partie qui n’est ni consommée, ni investie, on parle de thésaurisation (exemple caricatural : la mémé qui planque des billets dans son matelas, l’incertitude sur le lendemain joue ici encore son rôle). Or s’il y a thésaurisation, la boucle n’est pas bouclée, car une partie des revenus s’échappe du circuit. Une partie de la production ne trouve donc pas preneur, des stocks se constituent, des capacités de production vont être sous-employées, se qui se traduit par du chômage, etc.
Où je veux en venir ?
Il est acquis depuis les années 30, et c’était une des bases de l’analyse de l’économiste britannique JM Keynes, que les pauvres ont tendance à dépenser l’intégralité de leur revenu, pour des raisons évidentes, donc à le réinjecter totalement dans le circuit. En revanche les riches constituent une part importante d’épargne, et plus le revenu est important plus la part d’épargne est importante. C’est ce qu’on appelle la « loi psychologique », un des rares principes toujours vrais en économie. Mais plus l’épargne est importante plus le risque de thésaurisation, donc de fuite de revenus hors du circuit aussi, et les difficultés à assurer le bouclage sont importantes. La demande n’assure plus l’écoulement de l’offre avec tout ce qui s’ensuit.
C’est là qu’interviennent la finance d’une part, et le crédit d’autre part.
La finance n’est pas si inutile qu’on le dit généralement, ou du moins elle fait partie du système. C’est pour attirer l’épargne toujours plus importante des riches, suite à l’amplification des inégalités, qu’on a rivalisé depuis 20 ans d’innovations financières, de produits de plus en plus risqués afin de permettre la réinjection des revenus des riches dans l’économie. Ainsi on ringardise les placement de père de famille (livret A dont le rendement est proche de zéro si on tient compte de l’inflation, et de toutes façons plafonné), pour mettre en valeur des produit qui rapporte 8, 10, voire 15% par an (comme le rendement supposé des fonds de pensions). Evidemment c’est une fuite en avant car des placements financiers si complexes soient-ils ne peuvent en toute logique rapporter durablement 15% par an quand le taux de croissance réel de l’économie est entre 2 et 4… c’est ce qu’on appelle une bulle, et naturellement elle fini par exploser même si les financiers ont cherché depuis des années à se persuader du contraire à grand renfort de « nouvelle économie » et tutti quanti. Quoiqu’il en soit cela fait partie de la logique du système, disons que ça a permis de repousser temporairement l’échéance.
Quant au crédit ? et bien c’est simple : quant on sait pertinemment qu’une partie du revenu des riches ne va pas revenir dans le circuit et que la boucle aura toutes les difficultés du monde à être bouclée, on se tourne vers les pauvres, beaucoup plus nombreux, en les encourageant avec toutes les méthodes que tu dénonces à bon escient de consommer plus que leur revenus. Pour être un peu caricatural, on se tourne vers les pauvres pour combler un trou que l’enrichissement des plus riches a créé. Evidemment c’est encore une fuite en avant puisque vient inévitablement un moment ou les pauvres (ou du moins une partie d’entre eux) ne peuvent plus payer leur traites.
Si on regarde la crise actuelle on a vraiment un mélange des deux phénomènes, avec en plus un lien très fort entre les deux avec les sub primes (placements à très haut rendement et très risqués fondés sur le surendettement des pauvres).
Donc il y a bien un lien entre l’accroissement des inégalités et l’endettement des ménages.
Voilà désolé c’était un peu long en espérant n’avoir pas été trop barbant ni trop professoral.
Je précise qu’il va de soit que je n’invente rien de tout cela et que des personnes bien plus qualifiées et savantes que moi me l’ont appris.
pour ceux que ça intéresse et qui ont le courage je vous renvoit au site d'une de ces personnes, un de mes collègues pour lequel j'ai la plus grande estime :
http://bernardguerrien.com/index.htm/
vous trouverez une version beaucoup plus détaillée de ce que j'ai essayé tant bien que mal d'expliquer dans la section "documents de discussions" : "sur la crise actuelle".
... pour en revenir au sujet je pense également qu'Obama ne doit pas son élection à sa couleur. Si ç'avait été le cas il aurait probablement perdu...
jean